Willy Rizzo, 
Un photographe à contre-emploi
16 10 2010 … 16 01 2011

 

Willy Rizzo photographe est d’abord connu et reconnu pour ses images de « personnalités ». Il débute à Paris en travaillant pour des revues comme Ciné Mondial ou Point de Vue et fait rapidement des photographies de célébrités sa spécialité. Sous la protection et les conseils du photographe Gaston Paris, il sillonne à vélo les studios de Billancourt, de Joinville ou des Buttes-Chaumont, photographiant toutes les vedettes du cinéma français qui bientôt ne jurent que par lui.

Après un reportage sur les champs de bataille tunisiens et la couverture du procès de Nuremberg, il est envoyé en 1946 à Cannes par France Dimanche , suivre le premier festival. Il en rapporte un impressionnant tableau de chasse : princesses, playboys, starlettes et stars défilent devant son objectif Zeiss Sonnar 180.

Aux États-Unis, pour le compte de l’agence Black-Star, il vit au rythme de la ville, en retrouvant notamment Édith Piaf qui chante au « Versailles » ou ses amis à « El Morocco ». Il regarde attentivement les images de Richard Avedon, d’Erwin Blumenfeld. Il découvre la Californie et photographie les acteurs et actrices de cinéma : Gregory Peck, Richard Widmark, Gary Cooper, Anne Baxter...
Il rentre en France en 1949 pour participer au lancement de Paris-Match . Il est alors un des rares à travailler la couleur et c’est à ce titre qu’il signe la première couverture de l’hebdomadaire.
Pendant 20 ans, Willy Rizzo publiera ses reportages de charmes et de mode jusqu’à forger sa propre légende. Le reporter de « Paris Flash », Walter Rizzoto, dans l’album de Tintin, Les bijoux de la Castafiore , est une synthèse de Willy Rizzo et de son collègue Walter Carone.

Rien à priori ne prédestinait Willy Rizzo à se retrouver sur le terrain d’un conflit, et c’est justement ce contre-emploi qui séduit Paris-Match .
En 1952, Philippe Boegner, directeur de la revue, lassé des images diffusées par l’armée française du conflit francoindochinois, décide d’envoyer un œil neuf sur le terrain.

Willy Rizzo et le journaliste Philippe de Baleine débarquent en Indochine, à Hanoï, puis à Son-La au Tonkin, où vont être évacués des civils français. Rapidement, le duo, à l’opposé du style des baroudeurs aventuriers présents sur le terrain, dérange ou amuse, mais l’objectif de Paris-Match est atteint.

Tenu à distance des opérations et des combats par le système de verrouillage de l’armée, Willy Rizzo suit les briefings du camp de presse d’Hanoï et gagne la confiance des officiers. Pendant deux mois, il théâtralise le conflit, cherche à capter l’ambiance, les préparatifs, les à-côtés et réussit à montrer la tension d’une guerre qui ne dit pas encore son nom.

Nourri de cinéma américain, Willy Rizzo fait de chaque photographie une séquence cinématographique. Na San est un panoramique, un champ de bataille construit dans les brumes et la fumée. Les corps sont tendus et acérés. Montrer l’avant de la bataille par son atmosphère et ses ambiances valent avantageusement de mauvaises scènes de combat. Car au combat, on ne voit rien.
Fort de ce constat, Willy Rizzo, éclaire Hanoï sous le couvre-feu. Des éclairages rajoutés feront de cette série publiée par Paris-Match en 1952 [ nº 194, 6 décembre 1952 ] un récit noir et angoissant.
À l’angoisse du conflit répond une série jamais publiée et profondément attachante consacrée à un camp de prisonniers Vietminh. On les voit occupés à des tâches quotidiennes ; laver le linge, se laver. Ce ne sont plus des « bandits », ni des agents de la subversion, ils nous ressemblent. Cette série prouve, s’il en est besoin, que le travail de Willy Rizzo va bien au-delà du cercle de la jet-set et des célébrités. La composition et la lumière sont dominées, la tension dans les sujets est palpable. Willy Rizzo sait créer des situations originales et vraisemblables. Rien que pour ces raisons, il est temps de reconsidérer son travail.