Dans une cour cernée d’imposantes grilles, des femmes échevelées vêtues de lourdes jupes noires, sont assises sur des bancs ou couchées par terre. Celle-ci semble prostrée, recroquevillée. Celles-là sont entravées par des camisoles… Ces 25 images ont été prises par le photographe pictorialiste Robert Demachy (1859-1936). Sur la boîte, écrite de sa main, une légende laconique : « Les Folles ». Une étude nous apprend qu’elles ont été réalisées dans l’enceinte de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière entre 1890 et 1895. Cette série conservée au musée Nicéphore Niépce depuis 2004 dénote du reste de l’archive du photographe. Le regardeur sait qu’il est face à un document rare, exceptionnel. Elle ne cesse de susciter des interrogations.
De ces images et des questions qu’elles soulèvent est née l’envie d’explorer plus largement les rapports entre la photographie et la « folie ». Volontairement circonscrite au milieu fermé qu’est l’hôpital psychiatrique, l’exposition présente différents usages du medium : une photographie au service de la psychiatrie, de la clinique et du corps médical, qui ausculte les corps et les visages ; une photographie-outil au service du diagnostic puis du soin ; une photographie de reportage qui montre, stigmatise ou dénonce ; une photographie de la vie quotidienne produite par des patients ou des soignants au sein de l’institution. Cette photographie pratiquée à des fins différentes, est mise en dialogue avec les travaux de plusieurs photographes contemporains, accueillis en hôpital psychiatrique et construisant leurs images avec les patients. Sans prétendre être exhaustive, l’exposition espère rendre sensible les regards portés sur la maladie, interroger la question des normes, le rapport à l’autre et les limites de la représentation.