Grandioses et inquiétants, tels sont les univers façonnés par Mathieu Bernard-Reymond. Issus de l’alliance de la tradition argentique et de la technologie numérique, ses mondes insolites et magiques ne dévoilent leur mystère qu'à force d'attention.
"Des mondes possibles" présentée au musée Nicéphore Niépce sera la première exposition de musée pour cet artiste. Elle regroupera quatre séries TV, Monuments, Disparitions
et Vous êtes ici
.
Maîtrisant aussi bien la prise de vue traditionnelle, ancrage de toutes ses créations, que les logiciels de traitement d’image les plus pointus, l’artiste compose des environnements imaginaires dans lesquels l’homme doit trouver sa place.
Il invente des mondes possibles, selon les critères d’une époque où la frontière entre réel et virtuel est pour certains de plus en plus ténue. Des mondes reflétés par des images truquées.
La manipulation, toute minime qu’elle soit, engendre dans la série des Disparitions une sensation de vide, de temps brutalement arrêté : des paysages et des architectures désertés, des personnages dont le regard se perd dans un horizon invisible à nos yeux. Certaines images ont été retouchées, le photographe ayant effacé un élément présent sur le cliché original, parfois un simple objet. D’autres n’ont subi aucune modification. Scènes réelles ou fictives ? On se perd en conjectures.
La démarche adoptée dans la série Vous êtes ici , toute différente, insiste davantage sur la virtualité de l’image. La photographie d’un individu, un touriste, sert ici à créer, à l’aide d’un logiciel de traitement d’image en trois dimensions, un paysage construit à partir de la couleur des vêtements et des formes du modèle. Ce dernier est ensuite replacé dans l’environnement qu’il a lui-même engendré, touriste esseulé scrutant un point de vue créé par lui. En écho à la peinture romantique, le paysage se fait le reflet des émotions de celui qui l’observe.
Nous vivons désormais dans une civilisation de l’écran. Cette ère entamée avec l’avènement de la télévision se poursuit aujourd’hui avec Internet. L’emprise de l’image médiatique sur notre quotidien est avérée, beaucoup ne regardant plus le monde qu’à travers la vision forcément déformée et partiale transmise par l’écran de télé ou celui de l’ordinateur, comme le souligne la série TV . Les écrans de télévisions prennent symboliquement la place des fenêtres, les vedettes de feuilletons, d’émissions de variété et de télé-réalité, championnes du faux-semblant, s’incrustent dans des paysages nocturnes bien réels.
Mêlant une nouvelle fois réel et virtuel, la série Monuments , débutée dès 2005, fait écho à la crise économique actuelle. De gigantesques sculptures créées numériquement, traduction en trois dimensions des courbes boursières de quelques grandes firmes, sont implantées dans des paysages naturels photographiés par l’artiste. Land art fictif, les interventions imaginées par Mathieu Bernard-Reymond stigmatisent l’emprise de l’économie sur le monde contemporain et l’impact de l’industrie sur le milieu naturel.